Le pitch ou l’art du silence

Le pitch ou l’art du silence
Article mis à jour le
18/7/2022

Si les enfants ont peur du noir, les adultes, eux, ont peur des blancs. Leur parade ? Remplacer les silences par des “euh”, des “bah”, des “donc”, des “du coup” et tout un tas d’autres parasites. Et plus le stress monte, plus vous allez réduire les silences afin de vous débarrasser plus vite d’une prise de parole que vous vivez comme une corvée.

Et pourtant, le brillant orateur n’est pas seulement le magicien des mots, il est aussi et surtout le maître des silences. L’apprentissage fondamental et pourtant si paradoxal lorsqu’on s’entraîne au pitch, c’est d’apprendre à se taire.
Voici donc quelques éléments en faveur du silence dans le discours.  

Idée reçue : le silence est un vide

C’est la peur n°1 du silence. Le blanc. La gêne. Le moment de solitude. Et cette peur vient de l’idée que le silence est un vide, et non un plein. Une absence. Or, quand la voix se tait, le corps, lui, continue à parler. Autrement dit, la force de conviction demeure. Dans le silence, on reste en connexion avec son auditoire, présent dans le non-verbal. D’où l’importance de travailler sa présence physique.  

Le silence est un temps que vous vous offrez pour vous ancrer, respirer et ainsi gagner en sérénité lorsque vous reprendrez la parole. Ce n’est ni un vide intellectuel ni un vide corporel.

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La logorrhée épuise votre auditoire

Je ne sais pas si vous vous êtes déjà retrouvé face à quelqu’un qui parlait sans s’arrêter, mais moi, je finis par avoir le cerveau qui déconnecte. Tout simplement parce que je n’arrive pas à suivre. Et c’est justement à cela que sert le silence : à l'intelligibilité du discours. Lorsque votre public reçoit votre message, il a besoin de temps, pour l’entendre déjà, et puis pour l’absorber, pour l’appréhender, pour le comprendre, pour le digérer, pour le mémoriser. N’oubliez jamais que si vous connaissez votre pitch par cœur, votre public, lui, l’entend pour la première fois : tâchez de vous mettre à sa place et de lui laisser, par votre silence, un temps pendant lequel il va ranger votre message dans une petite boîte bien étiquetée de son cerveau, là où il saura aller le rechercher après coup.

En parlant sans silences, vous ne laissez pas d’empreintes, juste une impression fugace qui se dissipera avec vous. Le silence, c’est donc ce moment que vous laissez à votre auditoire pour qu’il se souvienne de vous et de ce que vous lui avez dit.

Ce que le silence dit de vous

Le fait même que tout le monde, ou presque, fuit, le silence rend celles et ceux qui l’assument particulièrement impressionnants. Celui qui prend le temps du silence semble dans une maîtrise du temps, à l’opposé de ceux chez qui l’on identifie, dans leur précipitation même, un manque de confiance en eux.


Je disais plus haut que le silence n’était pas un vide intellectuel. Et ça, ça se sent ! Le public sait reconnaître une personne avec les yeux vides et perdus d’une personne en train de mobiliser son intelligence pour avancer dans son discours ou répondre à une question.
Par ailleurs, en vous taisant, vous maîtrisez davantage les réactions de votre public. Dans le silence, vous pouvez écouter votre public, et dans l’écoute vous avez plus de chances de vous adapter subtilement à lui. Vous serez donc plus réactif et plus pertinent.

L’art du suspense

“Je me baladais dans la rue et là…” Pause. Silence. Ce silence-là plonge votre interlocuteur dans l’attente. Dans l’excitation de l’attente. “Elle était si…” Mais si quoi ? Ça, c’est l’effet suspense. Les anglophones appellent ça un “cliffhanger” : littéralement, c’est l’idée que votre auditoire est suspendu à la falaise. En fait, il est pendu à vos lèvres, et ce qui l’attend en contrebas de la falaise, c’est la révélation que vous allez lui faire. Pour les conteurs et les humoristes, cette utilisation du silence comme un outil de suspense est presque le cœur du métier. En tout cas, c’est la base d’un storytelling réussi.

Alors comment vous entraîner au silence ?

Commencez par prendre un texte. Lisez-le, et à chaque fois que vous laissez un silence, comptez 3 secondes dans votre tête avant de reprendre. Autre exercice très utile : avant chaque pitch ou chaque présentation, alors que vous êtes déjà “en scène”, prenez 5 à 10 secondes pour regarder votre auditoire en silence, en souriant et en respirant (cela vous fera du bien !).

Attention toutefois, le silence ne se place pas toujours au même endroit que la ponctuation à l’écrit. Entraînez-vous, dites une même phrase plusieurs fois et essayez de sentir où le silence fait le plus d’effet. Vous verrez, c’est très instinctif !

Conclusion : le silence, un trait d’union

La parole est intrinsèquement liée au silence : s’il peut y avoir silence sans parole, il ne peut y avoir parole sans silence. Vous aurez beau parler comme une tornade, aligner 300 mots à la minute, vous ne pourrez pas ne pas vous taire (à moins d’arrêter de respirer mais c’est un peu compliqué…). Et c’est tant mieux, car c’est le silence qui permet de souligner les qualités d’un bon discours. En fin de compte, le silence est un trait d’union invisible : d’un côté, il fait résonner ce que vous venez de dire, et de l’autre il lance l’intérêt pour ce que vous allez dire.

Gardez en tête que votre public est comme une éponge, il se gorge des émotions que vous ressentez. Si votre propre silence vous rend mal à l’aise, votre auditoire le sentira et sera mal à l’aise lui aussi. A vous, donc, de trouver une véritable qualité du silence, pour en faire un moment partagé.

Le pitch ou l'art du silence

SYNTHÈSE :

Le pitch, art du silence

A. Vide vs. trop plein ⚖️

  • Le silence, un moment de présence : passer de la gêne à la connexion
  • La mémoire a besoin de temps : celui qui parle trop et trop vite rend son discours inintelligible

B. Un moment d’incarnation 😎

  • Se taire, c’est maîtriser son temps de parole
  • Votre ethos est plus fort dans le silence


C. Capter son public 👂🏽

  • Dans le silence, l’écoute : profitez-en pour vous adapter à votre public !
  • Un outil de storytelling : créez du suspense, créez de l’envie


D. Un trait d’union 🔗

  • D’un côté, le silence fait résonner ce que vous venez de dire
  • De l’autre, il lance l’intérêt pour ce que vous allez dire

A méditer :

“Lorsqu'on vient d'entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui”

(Sacha Guitry dans Cinquante ans d'occupations)

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